Claude ECKEN

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Liaison parrallèle

Publications : Les vagabonds des rêves 2  (Oxalis Editions)  Mai 2001

 

    « S'il te plaît, reste encore un peu…, susurra Patricia d'une voix suave.
    Elle roula sur lui, secouant les pieds pour se débarrasser des draps qui l'empêtraient, la bouche en cœur avec des mimiques de petite fille avide de baisers. Son ventre se plaqua sur le sien et s'y frotta dans l'espoir de réveiller ses ardeurs éteintes.
    « S'il te plaît… » La moue boudeuse de celle à qui on ne refuse rien.
    « Sois raisonnable, Pat ! Tu sais que je dois être de retour dans une demi-heure. »
    Avant de rentrer chez lui, il avait encore un meurtre à commettre. Tout était prêt, même la fosse qui ensevelirait le cadavre.
    « Je sais, reconnut-elle à contre-cœur. C'est déjà bien que nous ayons pu passer toutes ces nuits ensemble. Ton patron devrait t'envoyer en stage plus souvent.
    – Faut que j'y aille, dit-il en la repoussant doucement. Ma femme commence à se douter de quelque chose, tu comprends ? Je vais devoir rivaliser de ponctualité pendant un temps. »
    Elle raffermit sa prise autour du cou de son amant, ravie de constater que ses efforts réveillaient sa virilité.
    « Tu as changé, Richard ! Il y a un mois, tu te serais attardé. Je me demande si tu as dit la vérité au sujet de ta femme. Elle n'est peut-être pas si moche que ça. Ni si acariâtre. »
    Ça, pour avoir changé, il avait changé ! Je ne suis plus le même homme à vrai dire, aurait-il pu dire à Patricia. Et pour cause ! L'homme de ta vie va disparaître sous peu… assassiné par son double.
    « Rassure-toi, c'est toujours le même fléau qui m'attend à la maison. Je préfèrerais cent fois rester avec toi…
    – Ce n'est pas dangereux, cette ponctualité soudaine ? suggéra-t-elle avec malice. Ta femme pourrait se douter de quelque chose. »
    Richard sourit. L'argument très logique, ajouté à ceux qu'elle possédait naturellement, le poussait à prolonger sa visite. Il n'y avait pas deux filles comme Patricia ! Richard le savait bien, lui qui avait en vain cherché son âme sœur sur terre. Il s'était marié à Florence par dépit, et parce que le temps passait. Elle n'était pas si grosse à l'époque et disposait d'un petit pécule qui leur avait permis de devenir propriétaire d'une charmante villa. Mais dès qu'elle avait trouvé à se caser, elle avait cessé les régimes qui empêchaient ses jupes d'exploser. Et il avait fallu travailler dur pour renouveler trois fois la garde-robe. Cette expansion lipidique n'était cependant rien comparée à celle de ses reproches, énumérés à la moindre algarade, grâce à sa mémoire aussi exhaustive que le détail des faits dont elle lui tenait grief.
    « Elle me soupçonnait avant même que je ne te rencontre…
    – Tu te souviens de notre première rencontre ?… »
    Richard sourit stupidement, l'encourageant à continuer.
    « Tu avais l'air si timide, si penaud, à la terrasse de ce café ! C'est tout juste si tu osais lever les yeux sur moi ! Et pourtant on aurait dit que tu me connaissais déjà, comme si tu avais lu dans mon âme ! Avoue-le ! Tu ne m'aurais jamais adressé la parole si je n'étais venue m'asseoir à ta table ! »
    Les souvenirs de Richard différaient totalement. Il déambulait dans la rue, serviette à la main, quand il avait vu passer cette pétillante brune. A peine leurs regards s'étaient-ils croisés que Patricia se jetait à son cou, transportée de joie. Il s'était demandé s'il ne s'agissait pas d'une folle. « Tu es déjà revenu ! s'était-elle exclamé. J'espère que tu n'as pas prévenu ta femme de ce retour prématuré ! Ces trois jours me reviennent de droit ! »
    De par sa profession, Richard Malevant était habitué à saisir la balle au bond. Il avait laissé parler Patricia pour évaluer la situation. Elle lui avait demandé s'il était libre ; il avait rétorqué qu'il avait le temps de boire un café, pas plus. En se dirigeant vers le premier bistrot venu, Richard avait bien constaté, à de petits détails insignifiants, que la rue, bien que familière, n'était pas la même. Il lui revenait cette façade défigurée par la pollution urbaine ; ici, elle avait été repeinte à neuf. La boulangerie voyait entrer et sortir des clients ; dans son souvenir, elle était fermée pour travaux. En passant devant un kiosque à journaux, il comprit, à la lecture des gros titres, si différents de ceux qu'il avait parcouru le matin même, que ce monde n'était pas le sien. Ici, on parlait d'un tremblement de terre en première page ; aucun scandale politique n'étalait ses turpitudes en grasses.
    Richard avait senti un malaise le gagner, atterré à l'idée d'être devenu un intrus à son insu, un double sans situation dans un monde qui n'avait que l'apparence du sien. S'il n'était pas habitué à se maîtriser, il aurait hurlé de terreur sur place. Mais le charmant visage de Patricia contre ses joues l'empêchait de paniquer. Pendant qu'elle lui parlait, il réfléchissait au moyen de retourner chez lui, mémorisant pas à pas le trajet en sens inverse. S'il y avait une brèche spatio-temporelle sur sa route, il saurait la retrouver.
    Patricia savait tout de lui, en tout cas beaucoup de choses. Son insupportable femme, son travail de représentant qui lui donnait une grande liberté de manœuvre. A présent, avait-il compris, quand il s'absentait une semaine ou deux pour un département lointain, il avalait des kilomètres de nuit pour retrouver la maîtresse dont il s'était entiché. Voilà deux mois que durait leur liaison.
    Richard avait compris qu'il aurait tort de laisser passer l'occasion. Il n'aurait su convenir d'une heure pour la retrouver après le travail puisqu'il ignorait où elle habitait et qu'il aurait été incongru de le lui demander. C'était maintenant ou jamais ! Annulant ses derniers rendez-vous de la journée, il était rentré avec elle. L'aventure galante était assez récente pour lui permettre d'usurper sans risque la place de son alter-ego.
    Il avait vécu avec Patricia trois jours de pur bonheur, baisant à couilles rabattues dès qu'elle rentrait du travail. Ses obligations professionnelles lui laissaient le temps de retourner dans son univers et de faire illusion auprès de son employeur et de sa femme.
    « Je me souviens, bien sûr, » mentit Richard en écoutant sa maîtresse évoquer des souvenirs qu'il n'avait pas vécus.
    Cette fois, il réussit à s'asseoir sur le lit et à boutonner sa chemise. Avec malice, Patricia plaça ses seins sous son nez, impatiente de savoir quand il reviendrait. Il frémit.
    « Après ta réunion du lundi ? Je peux me libérer entre midi et deux. Tu n'auras qu'à prétendre que tu es aussitôt parti sur les routes.
    – Tout dépend du secteur où on m'enverra. Si je dois démarcher sur le centre ville, ce ne sera pas possible. Par contre samedi…
    – Samedi, je te bouffe tout cru ! » dit-elle en le renversant sur le lit et en le couvrant de baisers.
    Cette fois, il allait vraiment être en retard !

    La porte séparant les deux mondes parallèles, la brèche spatio-temporelle, on appellera cette anomalie de la nature comme on voudra, Richard n'ayant aucune compétence pour comprendre les phénomènes physiques à l'œuvre mais bien pour les utiliser puisqu'ils se présentaient à lui, se trouvait dans la cour d'une usine désaffectée, rendue aux chats errants et aux herbes folles. Il lui était arrivé de traverser ce no man's land urbain pour rentrer plus rapidement chez lui, avant de l'emprunter fréquemment pour d'autres raisons. Personne n'y traînait jamais, pas même les sans-abri qui préféraient le confort de squats moins déglingués. Personne, sauf l'autre Richard, Malevant ne doutant pas que son double se comportât exactement comme lui.
    Dissimulé derrière la palissade, il attendait que celui-ci poussât la portion de planches mal clouées, à l'endroit où le mur s'était affaissé. Richard connaissait sa force, mais, outre l'avantage de la surprise, il avait celui de connaître ses réactions et sa façon de se battre. Le couteau qu'il serrait entre ses phalanges savait où frapper.
    En attendant sa victime, Richard fantasmait sur l'avenir qui s'offrait à lui. Il était certes encore tôt pour songer à convoler avec Patricia. Dans ce monde aussi sévissait une mégère embourbée dans sa graisse ; Florence était restée propriétaire de la maison, de sorte qu'un divorce se solderait au désavantage du mari. Impossible de l'assassiner, même en dissimulant le cadavre dans l'autre univers, sans attirer les soupçons sur sa personne. Mais, bon Dieu ! la perspective de pouvoir baiser enfin autre chose qu'une masse de chair à l'odeur rance était déjà énorme en soi ! Retrouver à sa convenance une femme superbe et très portée sur la chose le consolait de la grisaille de ces dernières années, redonnait à son destin étriqué des couleurs proches de celles de la vie ! rose comme il se doit, rose petite culotte, comme celle que retire parfois Patricia en la faisant lentement glisser le long de ses jambes fuselées.
    Il faillit se laisser surprendre par le représentant de retour de son stage. L'homme – même pardessus fatigué de commis-voyageur, l'avait repéré en se tournant. Fasciné par la découverte de son double. Richard faillit se laisser déstabiliser. Ce n'est qu'en voyant, dans le miroir vivant en face de lui, les yeux s'écarquiller de terreur qu'il retrouva son rôle et mit son projet à exécution. Qu'éprouvait-on en contemplant, dans des yeux qui étaient les siens, sur une bouche qu'on pouvait déformer pareillement, la décision de la mise à mort ? La victime semblait plus épouvantée de découvrir son sosie parfait que de savoir qu'elle vivait ses dernières secondes.
    « Ne fais pas ça ! Tu risques… »
    Le couteau s'enfonça à deux reprises dans ses entrailles, suffisamment pour l'obliger à se courber en deux.
    A partir de là, Richard put aisément sectionner la carotide sans trop se tacher (de toute façon, il avait emporté de quoi se changer) et de le regarder mourir dans d'inutiles convulsions et d'incongrus gargouillis. Le spectacle ne manqua pas d'épouvanter l'assassin de sa propre image. Était-ce ainsi qu'il mourrait un jour, les chairs du visage affaissées défigurant ses traits, le regard figé dans une ultime révélation de sa pitoyable condition humaine ? La confrontation avec l'idée de sa propre disparition le gênait, aussi se hâta-t-il de déposer le cadavre dans la fosse qu'il avait creusée pour lui, dans le sous-sol de l'usine, à un endroit où nul ne s'aventurerait, même en cas de démolition des lieux. Il songea cependant à le délester des papiers, cartes de crédit et de l'argent liquide qu'il avait sur lui, afin de s'épargner des tracas ou des démarches administratives au cas où une différence apparaîtrait. Fier d'avoir réussi à épargner son pantalon et ses chaussures, il ajouta dans la tombe son pardessus taché, ainsi que l'arme du crime. Les empreintes digitales ne permettraient jamais de remonter jusqu'à lui puisqu'elles appartenaient au mort. Quand bien même elles auraient différé d'un détail ou deux, aucune police ne le poursuivrait dans un univers parallèle.
    Richard disposa quelques pelletées de terre sur la flaque de sang, ne tenant pas à attirer de mouches ni laisser l'odeur sortir du périmètre. Puis il décrocha son portable.
    C'était la première fois qu'il téléphonait à sa femme de l'autre monde. Il fallait espérer qu'aucun détail fâcheux ne le confondrait. Cette pensée le mortifia, en réalisant qu'il était à présent l'époux de deux exemplaires de ce monstre qui n'avait plus rien de féminin à ses yeux, ni rien d'humain d'ailleurs.
    « C'est moi, dit-il quand elle décrocha. Le stage se termine plus tard que prévu. Je ne pourrai rentrer que demain.
    – Dis plutôt que vous allez faire la fête avec tes débauchés de collègues ! »
    C'était bien la même Florence, constata Richard avec satisfaction. En tout cas, elle lançait ses remarques dépréciatives sur le même mode que la sienne : ces vauriens de, ces dégénérés de, ces malappris de… C'était sa manière d'enrichir le catalogue des tares humaines, tout le monde en prenait pour son grade. Son gras de.
    Richard expliqua la nécessité de cultiver l'esprit d'équipe et basa le reste de son argumentaire sur les dangers de la route et la précaution d'un retour en matinée.
    « Je pensais t'envoyer acheter le repas de ce soir !
    – Il doit bien rester dans le frigo de quoi nourrir une personne. Demain c'est samedi. J'irai au supermarché.
    – Tu me laisserais mourir de faim ! »
    Trop long ! songea Richard en se débrouillant pour couper court avec diplomatie, interruption qui ne le soulagea qu'à moitié. Il lui restait à présent à affronter l'autre épouse.
    Mais un sourire de satisfaction traîna sur ses lèvres jusqu'au lendemain.

    L'après-midi, il annonça qu'il sortait faire les courses, faillit ajouter : "comme promis". Le plus dur ne serait pas de parvenir à dissimuler l'existence de sa maîtresse, mais de ne pas se fourvoyer entre les deux Florence.
    Il flâna d'abord à la terrasse d'un café, méditant son plan. S'il emportait suffisamment d'argent en quittant cet univers, il serait en mesure de divorcer dans l'autre et de recommencer sa vie avec Patricia. Plusieurs moyens s'offraient à lui : effectuer un gros emprunt, quitte à hypothéquer la maison. En falsifiant la signature de sa femme, ce devait être possible. Vendre ensuite quelques biens de valeur, les bijoux de Florence qui dormaient le plus souvent dans un écrin qu'elle n'ouvrait jamais, vider enfin son compte bancaire, le carnet d'épargne, et même effectuer un gros découvert en multipliant les retraits dans les agences ou avec la carte de crédit. Taper les copains. Souscrire à ces multiples offres de crédit garantissant quelques milliers de francs sur simple présentation d'un dossier. Les idées ne manquaient pas.
    Richard faillit s'étrangler quand il remarqua, à deux tables de lui, bavardant avec deux jeunes gens, Patricia, fraîche et détendue, superbe dans une mini-jupe noire et une chemise jaune suffisamment cintrée et transparente pour donner à voir les motifs brodés de son soutien-gorge. Si elle l'avait suivi quand il avait rejoint son univers, alors, elle n'ignorait plus rien du meurtre qu'il avait commis !
    Leurs regards se croisèrent. Soulagé, Richard comprit à sa mine intriguée qu'il ne s'agissait pas de sa maîtresse mais de la vraie Patricia, celle qui vivait dans son univers. Trop tard !, songea-t-il, nous aurions dû nous rencontrer plus tôt, avant que je ne fasse la connaissance de ton double. D'ailleurs l'existence de cette dernière lui était plus avantageuse : dans son lit, il ne risquait pas d'être pris en flagrant délit d'adultère. Et s'il restait dans son monde, il n'aurait pas l'occasion de réaliser la petite escroquerie qui l'aiderait à refaire sa vie.
    Richard s'efforça donc d'ignorer Patricia, mais la façon dont il l'avait regardée avait piqué la curiosité de la jeune femme. A deux reprises, il la surprit en train de l'observer à la dérobée, se rendant ainsi coupable de la même indiscrétion, ce qui augmenta sa confusion. Quand les deux jeunes gens s'en allèrent, elle vint s'asseoir à sa table.
    « Nous nous sommes déjà vus ? Vous avez semblé me reconnaître tout à l'heure. Pourtant, je ne suis dans cette ville que depuis deux mois. »
    Franche et directe comme à son habitude. Mal à l'aise, Richard marmonna qu'il l'avait confondue avec une connaissance. L'attitude de Patricia se fit plus amène.
    « Vous me regardiez d'une drôle de manière. C'est très intriguant ! On s'est peut-être déjà croisé, finalement ? »
    Volubile Patricia ! Dans ce monde comme dans l'autre, elle ne cessait de parler et Richard tomba dans le piège des mots. Il répondit à une question puis à une autre, accepta d'échanger quelques propos, se persuada qu'il ne risquait rien en se dévoilant davantage puisqu'il se trouvait en partance, puis s'intéressa à elle afin de parfaire sa connaissance de l'autre Patricia. Il se trahit à deux reprises, avec des questions trop directes pour être fortuites. Il avait envie d'elle, aussi se hâta-t-il de prendre congé, non sans promettre de passer la voir.
    « Mais je ne t'ai pas donné mon adresse ! » s'exclama-t-elle, ultime gaffe pour laquelle Richard se maudit.

    La brèche avait disparu.
    Richard Malevant arpenta le terrain durant un bon moment, imaginant que la faille spatio-temporelle s'était déplacée, tourna et vira sans parvenir à retrouver le chemin de l'univers parallèle. Celui-ci lui était désormais inaccessible. . Tant pis !
    Il eut un regret pour son double qu'il avait prématurément assassiné et se consola en se disant qu'il n'aurait jamais rencontré Patricia sans cette mésaventure. Ses rêves de nouvelle vie s'écroulaient mais il lui restait une maîtresse aux charmes incomparables, un rayon de soleil dans sa vie de modeste représentant itinérant. Ce bonheur était suffisamment neuf pour qu'il en jouit durant deux heures au domicile de l'intéressée, qui ne s'attendait pas à le revoir si vite.
    Au bout d'un mois, la multiplication des trajets pour profiter de la chaleur de son corps ne lui était pas encore devenue pénible. Les frais de route supplémentaires étaient compensés par l'absence de note d'hôtel. Richard Malevant, lors de la pénible réunion du lundi matin, réfléchissait cependant au meilleur moyen de fausser compagnie à sa femme sans verser de pension alimentaire. Le mot "stage" prononcé par le chef de service le tira de sa rêverie.
    La plupart de ses collègues manifestaient peu d'enthousiasme, même si quelques uns se félicitaient de bénéficier d'une semaine de vacances déguisées. On lui passa un imprimé à remplir.
    « Je répète, assena leur encadrant, il n'est pas question qu'un seul d'entre vous se défile à cause de la rougeole du petit dernier ou de la venue de sa belle-mère. Vous devez tous vous former aux nouvelles techniques de communication. Que celui qui pense pouvoir s'en dispenser me montre ses derniers résultats ! »
    Le bordereau emplit Richard d'épouvante. Le stage se déroulerait dans trois semaines. A la fin de cette semaine de formation, cela ferait exactement deux mois qu'il fréquenterait Patricia. Les dates coïncidaient furieusement avec les récents événements. Il se rappela sa première rencontre avec celle qui deviendrait sa maîtresse, les travaux de la boulangerie qui étaient achevés et ceux de la façade qui commençaient, le regard épouvanté de son alter-ego, non pas, il le réalisait à présent, parce qu'il rencontrait son double mais parce qu'il s'attendait à le trouver sur sa route ! Il l'avait d'ailleurs mis en garde : "Ne fais pas ça ! Tu risques…" Richard pouvait compléter la phrase à présent : "Tu risques de subir le même sort !"
    L'univers parallèle où il s'était aventuré ne se distinguait pas seulement du sien par quelques détails mineurs mais aussi par son éloignement dans le temps !
    Richard frissonna. Dans un mois, à la fin du stage, un inconnu qui aurait ses traits et porterait son nom, issu de quel autre univers parallèle ?, l'attendrait au détour d'une rue ou sur un terrain vague, le frapperait de plusieurs coups de couteau pour lui ravir la Patricia dont il venait de faire la conquête.
    Bientôt, il contemplerait l'étincelle de meurtre qui avait scintillé dans ses propres yeux.